Devant la possibilité de voir l’invitation des poètes palestiniens initialement prévue en 2025 au Marché de la poésie, le Pen Club français a contacté ses organisateurs :
Cher Yves Boudier, cher Vincent Gimeno Pons,
Nous subissons une fois de plus les conséquences d’une situation mondiale tant inédite qu’horrifiante. Ainsi l’annulation de l’invitation de la Palestine au Marché de la Poésie 2025 devenue publique fait désormais grand bruit. Les articles et les lettres se multiplient.
Nous savons que vous faites de votre mieux pour préserver cette manifestation incontournable qu’est le Marché de la Poésie de Paris, tout comme nous sommes conscients que ces intrusions du politique dans l’espace sacré du poème n’est guère recevable.
Toutefois, le peuple Palestinien subit en ce moment une épreuve innommable. Il est instrumentalisé de part et d’autre, par ses dirigeants et leurs homologues du camp adverse. Lui non plus ne fait pas de politique. En soutenant ses poètes vous lui offrez un lieu où ne pas mourir, et la possibilité de poursuivre le combat. Car, vous le savez, souhaiter l’annihilation d’un peuple, c’est aussi tenter par tous les moyens d’effacer sa culture.
Nous comprenons bien entendu que cette invitation pourrait être interprétée comme un geste de soutien aux uns au détriment des autres. Ce souci de justesse, et de défense de chacun, quelles que soient son origine, sa religion, nous le partageons au PEN Club. C’est pour cela que nous luttons sans relâche. Mais le peuple palestinien, hors de tout champ, de toute considération, presque hors du monde, subit un anéantissement dont nous connaissons malheureusement les précédents.
Nous savons également combien les financements sont difficiles à trouver. Et bien entendu la Palestine aura difficilement les moyens de prendre en charge les frais inhérents à cette invitation. Trouvons des solutions !
Enfin, nous savons qu’il est parfois difficile de s’unir autour du poème. Mais invitez des poètes israéliens, même s’ils ne peuvent pas se produire aux côtés de leurs homologues palestiniens. Il est essentiel que le monde sache ou se souvienne que nombre d’entre eux dénoncent la guerre, les guerres. La souffrance n’a pas de pays ! Gili Haimovitch, par exemple, coordinatrice d’une anthologie israélo-palestinienne, et tant d’autres… Programmez des poètes israéliens, et invitez les Palestiniens !
De grâce, n’annulez pas cette invitation, qui vous honore. Il faut faire du Marché 2025 un lieu d’affirmation de l’espace sacré qu’est la poésie, territoire sans frontières ni haine, où il apparaît possible que l’universalité des valeurs humaines puisse encore nous rassembler.
Cette lettre du Pen Club français fait suite à un message envoyé par Abdellatif Laâbi aux organisateurs du Marché de la Poésie :
Et réponse des organisateurs de Marché en date du 5 juin 2024 :
Lettre à Abdellatif Laâbi
Aux poètes palestiniens
Aux publics et participants du Marché de la Poésie
Paris, le 4 juin 2024
Cher Abdellatif Laâbi,
Tu as choisi les réseaux sociaux pour échanger, dont acte. Nous ferons donc de même.
Permets-nous avant tout de te rappeler que le Marché de la Poésie a déjà réalisé avec toi par le passé deux événements à propos de la poésie palestinienne ainsi qu’une soirée en hommage à Mahmoud Darwich et également des manifestations autour de ton œuvre personnelle. C’est dire notre engagement à tes côtés et notre intérêt pour la poésie palestinienne et les valeurs que tu défends.
En juillet 2022, nous t’avions proposé, à travers ton anthologie, une présence de la poésie palestinienne au Marché de la Poésie en 2025. En effet, nous souhaitions montrer le nouveau visage et l’actualité de cette poésie.
Mais qui eût pu imaginer alors l’horreur et les souffrances vécues depuis le 7 octobre ?
Pour ce qui nous concerne, organisateurs du Marché de la Poésie, il nous faut veiller à bon nombre de points cruciaux, (sécurité du public et des participants, financement transparent de l’événement) pour permettre aux voix poétiques de la nouvelle génération de bénéficier d’une audience respectueuse de leur travail artistique autant que de leurs engagements.
Notre message du jeudi 30 mai ne signifie pas que nous annulons l’invitation faite à la poésie palestinienne, mais que nous pensons raisonnable de la reporter à une période plus propice. Nous n’avons pas choisi de substituer à notre invitation un autre pays, l’accueil des poètes palestiniens reste donc ouvert.
Si tu en es d’accord, restons en contact, et analysons ensemble la situation dès la rentrée de septembre en espérant que les événements permettront de reprendre et d’avancer dans notre volonté commune d’offrir à la poésie palestinienne la visibilité que nous souhaitons lui donner.
Avec tout notre respect,
Yves Boudier (président), Vincent Gimeno-Pons (délégué général)
et le Conseil d’administration de l’association Circé :
Jean-Michel Place (vice-président), Madeleine Renouard (vice-présidente),
Carole Aurouet (secrétaire générale) et Patrick Robin (trésorier)