Le 15 décembre à l’hôtel de Massa le Grand Prix SGDL de Poésie 2021 a été remis à Linda Maria BAROS, Vice-Présidente du Pen Club français, pour son livre « La Nageuse désossée » paru aux Editions Le Castor Astral en mars 2020.
La Nageuse désossée – Légendes métropolitaines a reçu de nombreux prix :
- PRIX RIMBAUD 2021 de la Maison de Poésie / Fondation Émile Blémont
- Grand Prix de Poésie Française du Festival International de Poésie de Montréal
- Grand Prix de Poésie 2021 de la Société des Gens de Lettres
L’homme est un ange exterminateur. Avide de pureté, il s’enfonce dans un délire de plus en plus paranoïaque, persuadé qu’il va sauver le monde par le foudroiement de son génie technologique. Il pille, saccage, détruit tout ce qu’il rencontre pour répandre sa toute-puissance sur la terre. Sa semence de béton. Il recouvre de plus en plus vite la terre, ses champs, ses plantes, ses forêts qu’il détruit. Il la tuméfie comme un cancer de coulées de béton. Il creuse, défonce, dévaste, déracine le vivant pour entasser des hommes et des femmes morts-vivants dans des tours-prisons de plus en plus mortifères. La femme et l’homme contemporains un peu lucides savent et observent tout cela s’ils font encore usage des reliquats de sens qui leur restent.
Mais ce que Linda Maria Baros a vu et entrevu, ce qu’elle a perçu et senti très jeune, c’est pire encore. Et elle a vu juste et compris comme seuls les poètes voyants ont su le faire. L’écrivant avec audace, comme elle le fait depuis plus de quinze ans déjà, elle pourra peut-être nous sauver de notre aveuglement égotiste, de notre barbare indifférence, de notre mépris fratricide pour la misère du monde.
Linda, la jeune poète roumaine qui a choisi depuis quinze ans d’écrire sa poésie en français, est une extralucide. Dans son livre phare qu’elle nous donne à lire aujourd’hui, La nageuse désossée, ce ne sont pas des légendes métropolitaines, comme elle feint de nous le faire croire en sous-titre, qu’elle rapporte, mais bien des visions d’extralucide.
Linda Maria Baros s’affirme en medium et poète souveraine avec ce livre majeur qui fera date.
Ses ailes de géante ne sont pas encore coupées, elle voit le monde tel qu’il est, barbare, horrifique, destructeur parce que l’homme s’imagine le contrôler, alors qu’il n’est qu’apprenti sorcier et qu’il l’a lancé bien au contraire sur une trajectoire mortifère et apocalyptique.
Elle nage encore dans le courant, sur les toits, sous les ponts, avec le RER ou le périphérique. Mais pour combien de temps encore ?
Elle lance ses visions et ses cris pour les dénouer du silence qui étrangle et dévaste nos chairs, comme l’ont fait jadis Lautréamont et Rimbaud ; Alfred Jarry, Arthur Cravan, le poète boxeur, et Tristan Tzara aussi, chacun à sa manière.
Lire la nageuse désossée c’est jouir des prémisses d’une cure de désintoxication.
La sirène d’alarme qui hurle en permanence avec la force des mots et des images abruptes de sa poésie pourra-t-elle sauver le lecteur sensible s’il lui reste encore un brin de lucidité et s’il a plongé avec la nageuse depuis les toits ou depuis le quai comme cette jeune « danseuse » du RER ?
La poésie de Linda Maria Baros est sans doute l’une des dernières salves d’avenir avant le tomber du rideau.
Ne pas la lire, ne pas l’entendre, c’est mourir sans savoir et à petit feu, dans l’inconscience béate et gâteuse du monstre quand nous nous imaginions encore sapiens sapiens.
En 2008, dans une anthologie des « Poésies de langue française » publiée aux éditions Seghers et présentant 144 poètes d’aujourd’hui autour du monde, Linda Maria Baros déclarait ceci :
« Une guérilla poétique, fondée sur le talent, l’enthousiasme et la force des poètes francophones peut toujours lutter contre la réalité en détresse du monde moderne, afin d’anéantir le culte du banal, l’écriture à profil people, les préjugés, l’immobilisme et les lieux communs ! Mais pour que la poésie se change en machine de guerre, il faut que sa descente dans le quotidien soit frappante, il faut qu’elle décoiffe ! »
Elle nous en apporte une nouvelle fois la preuve avec La nageuse désossée / Légendes métropolitaines.
Sylvestre Clancier
Président de la Maison de Poésie / Fondation Émile Blémont à Paris
Président d’honneur du PEN Club français
Ancien administrateur de la Société des Gens de Lettres