Excellence,
Le 19 juillet 2021, Omar Radi a été condamné en première instance par la chambre criminelle de la Cour d’appel de Casablanca, lors d’une audience publique, à six ans de prison ferme pour les chefs de « viol et atteinte à la pudeur d’une femme avec violence », et pour « atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat » ainsi qu’à 200 000 dirhams de dédommagement au profit de la partie civile.
Imad Stitou, également poursuivi pour complicité dans la composante agression sexuelle de l’affaire, a été condamné après requalification des faits à un an de prison dont six mois ferme pour «non déclaration d’un crime aux autorités» et «non assistance à personne en danger» ainsi qu’à une amende de 5 000 dirhams et à payer 20 000 dirhams des 200 000 dirhams du dédommagement total octroyé à la plaignante. L’accusation visant M. Stitou est survenue suite à un revirement de position du parquet et par suite du juge d’instruction lorsque la défense de M. Radi a demandé à ce qu’il soit entendu comme témoin à décharge, alors que la plaignante ne l’a jamais accusé.
Le 9 juillet 2021, Soulaiman Raissouni a quant à lui été condamné en première instance par le Tribunal d’appel de Casablanca à cinq ans de prison et 100 000 dirhams de dédommagement au profit du plaignant, pour «viol». Son procès s’est tenu en son absence. En effet, très affaibli par plus de cent jours de grève de la faim, Mr. Raissouni avait demandé à être transporté au Tribunal en ambulance et fauteuil roulant, ce que l’administration pénitentiaire lui a refusé, niant la détérioration de son état de santé. Après avoir vu sa demande rejetée définitivement, M. Raissouni y a renoncé et a fait valoir son droit d’assister à l’audience. Il a néanmoins été laissé sans raisons dans sa cellule, et un procès-verbal falsifié a été rédigé affirmant que Soulaiman Raissouni a refusé d’assister à son procès. Ses avocats ont donc quitté l’audience, considérant que son droit à un procès équitable n’était pas respecté. Ils ont déposé un recours pour faux en écriture publique suite à la falsification du procès-verbal, resté sans réponse, et M. Raissouni a interjeté appel du jugement.
La détention arbitraire de Soulaiman Raissouni (incarcéré depuis le 22 mai 2020) et d’Omar Radi (incarcéré depuis le 29 juillet 2020) ainsi que les condamnations de ces trois journalistes, visent à sanctionner leurs activités légitimes de défenseurs des droits humains et leur travail d’investigation. À plusieurs reprises ,le Pen Club de France a pris leur défense.
Nous vous exhortons à faire en sorte de :
– Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique d’Omar Radi, Imad Stitou et Soulaiman Raissouni, ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Maroc ;
– Garantir l’accès d’Omar Radi et Soulaiman Raissouni aux soins et aux médicaments nécessaires à l’amélioration de leur état de santé ;
– Garantir à Omar Radi et Soulaiman Raissouni l’accès à leurs avocats et à leurs proches en toutes circonstances ;
– Libérer immédiatement et inconditionnellement Omar Radi et Soulaiman Raissouni, ainsi que l’ensemble des défenseurs des droits humains arbitrairement détenus au Maroc ;
– Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, contre Omar Radi, Imad Stitou et Soulaiman Raissouni, ainsi que contre l’ensemble des défenseurs des droits humains au Maroc, afin qu’ils puissent exercer leurs activités sans entraves ni peur de représailles ;
– Mener une enquête prompte, exhaustive, impartiale et transparente à propos des allégations de mauvais traitements à l’encontre d’Omar Radi et Soulaiman Raissouni.Le pen club de France est mobilisé à leurs côtés et attend votre réponse
Je vous prie d’agréer, Excellence, l’expression de ma haute considération.
Antoine Spire
Président du Pen Club de France
NB : Nous remercions le comité Maroc qui a nourri ce texte.