Le 23 avril 2021 : « La liberté ou la mort » – Rencontre franco-grecque, à l’occasion du Bicentenaire de la Révolution grecque.
à 18 h 00 (heure française) 19 h 00 (heure grecque) :
Pour regarder la rencontre : https://youtu.be/4_-WnD_Nqwo
Lien vers l’Institut français de Grèce : https://www.ifg.gr/fr/events/pen-club-bicentenaire-revolution-grecque/
Il sera donné lecture de textes d’écrivains contemporains de la Révolution grecque de 1821 :
« L’Enfant grec » de Victor Hugo, Lord Byron, figure de proue des Philhellènes, « L’Hymne à la Liberté » de Dionýsios Solomós, une chanson populaire grecque louant les Klephtes, un extrait des mémoires de Yánnis Makriyánnis, l’un des principaux acteurs des événements menant à la création de l’État grec.
La rencontre est ouverte à tous et sera accessible au public sur YouTube et Facebook, à travers le site de l’Institut français de Grèce qui héberge la rencontre, organisée par le PEN club français en collaboration avec le PEN Club grec.
Événement numérique bilingue.
L’amitié franco-grecque par Antoine Spire
La Grèce a commémoré le 25 mars dernier le bicentenaire de sa guerre d’indépendance. En 1821, l’État grec renaît sur une région exsangue où vivent moins d’un million d’habitants, dans un dénuement extrême, car la nation est coupée de ses cœurs économiques qu’étaient déjà Thessalonique et Smyrne notamment. Mais c’est l’empire ottoman qui a reculé, grâce à l’alliance conclue par la Grèce avec les grandes puissances française, russe et britannique. Encore faut-il préciser que cette indépendance s’est construite sous l’influence d’une élite, nourrie des idées des Lumières et de la Révolution française. Les Grecs renouent avec un passé prestigieux qui a contribué à forger une identité nationale, débarrassée de la tutelle ottomane. Il faut dire que jusqu’à aujourd’hui les provocations du pouvoir turc furent et sont légion : qu’il s’agisse de la Libye, de la Syrie ou du Haut-Karabagh, la Turquie multiplie les opérations militaires allant jusqu’à menacer la Grèce.
Si la Grèce a commencé à se libérer en 1821, c’est aussi du fait des révoltes populaires venues notamment de paysans grecs exploités par les fonctionnaires ottomans. On sait que l’insurrection décisive est déclenchée à Patras ce fameux 25 mars 1821. Mais on n’insistera jamais assez sur la conjonction idéologique qui permet aux grecs de puiser aux sources de la révolution française et au mouvement européen « philhellène » de s’inspirer du glorieux passé grec antique. Quand les amis des grecs se mobilisent en Europe occidentale ils rassemblent Eugène Delacroix, Hector Berlioz, Victor Hugo. Aussi ce dernier va-t-il nous accompagner ce soir avec Lord Byron et Chateaubriand qui eux aussi ont vibré avec la révolution grecque. À l’époque, ils ont pesé sur leur gouvernement pour qu’il intervienne dans le conflit. Leurs voix furent écoutées et en 1827 la bataille de Navarin consacre la défaite ottomane. C’est ainsi que l’État grec reconnu par le traité de Londres devint une monarchie constitutionnelle qui perdura jusqu’à la dictature des colonels en 1967. De cette date est née une solidarité indéfectible entre la Grèce et La France.
Aujourd’hui encore, une petite partie de notre jeunesse s’initie très tôt au siècle de Périclès en apprenant le grec ancien ; elle retrouve avec plaisir les traces d’une langue grecque qui devient ainsi familière. Une bonne partie de nos intellectuels a vibré avec le projet d’Aléxis Tsípras et quand il s’est trouvé forcé de se rendre aux exigences de l’Union européenne sur le refinancement de la dette publique grecque, (malgré le rejet de celles-ci par l’électorat), le mouvement de solidarité franco-grec s’est amplifié ; apparemment sans résultat tangible, sinon un sentiment assez fort de sympathie dans le monde intellectuel. Depuis bientôt vingt ans, près d’un million de français se rendent chaque été en Grèce ; de plus en plus nombreux sont ceux qui ont goûté à la littérature grecque qui s’épanouit sous nos yeux depuis 1974 année du retour à la démocratie. Nous sommes conscients de l’explosion culturelle qui succéda aux années de guerre, de répression et de censure. Ainsi se sont renoués les fils oubliés de la poésie de la chanson et de l’histoire pour nous permettre de retrouver la trace et la trame de l’alliance qui en Grèce a si longtemps uni le poème à la voix et au chant.
Grâce à nos amis du Pen Grec, c’est une Grèce féconde et renouvelée qui vient vers nous aujourd’hui à la suite de nos initiateurs : Jacques Lacarrière, Vassilis Vassilikos, Nikos Kazantzakis ou Alki Zei.
Nous ne pouvons que souhaiter une riche suite à cette rencontre qui commémore l’un des moments où nos deux peuples, mais aussi nos deux littératures ont consonné.
Au terme de cette soirée on ne peut que se réjouir de ces lectures qui témoignent de la richesse de nos patrimoines littéraires et de l’histoire de la solidarité entre nos deux pays, entre nos deux littératures. Cette première initiative commune à nos deux Pen club devra être suivie de beaucoup d’autres.
Je voudrais remercier du fond du cœur nos amis du Pen club grec et son président Christos Economou avec qui nous avons eu le grand plaisir de collaborer. Un grand merci aussi à l’institut français de Grèce sans qui rien n’aurait été possible. Merci encore à notre président d’honneur Sylvestre Clancier qui eut l’idée de cette manifestation, à Monique Calinon qui y a beaucoup contribué (À la bibliothèque de France elle est l’une des autrices de l’expo 1821.ifg.gr) et enfin à Theo Koutsaftis qui a grandement aidé à préparer et à gérer cette manifestation.
En évoquant l’institut français, je ne peux pas m’empêcher de penser à Octave Merlier qui en fut le directeur de 1938 à 1961. Dès le lendemain de la guerre de 39-45, il a contribué avec son directeur adjoint, Roger Milliex, à la venue en France de plus de 150 étudiants, artistes et créateurs grecs notamment Georges Candilis, Cornélius Castoriadis, Iannis Xenakis, Kostas Axelos et Kostas Papaioannou, en leur faisant attribuer des bourses proposées par la France et en affrétant un navire, le Mataroa. En 1945, alors que la Grèce est au bord de la guerre civile, le « bateau du fol espoir » évacue vers la France près de 200 étudiants et intellectuels qui contribueront grandement à l’éclat de la culture grecque en France. Cette page de notre histoire commune témoigne de notre attachement commun à la défense de la liberté d’expression.
Aujourd’hui ensemble Pen grec et Pen français, nous reprenons le flambeau et nous travaillons à la diffusion de nos cultures dans l’autonomie de nos associations. Les liens directs entre nos deux sociétés sont riches d’avenir. Laissez-moi souhaiter que, dans d’autres contextes, nous pourrons continuer à défendre ensemble la liberté d’expression et la liberté de création contre toutes les tyrannies et toutes les censures. Nous sommes une part de ce souffle européen qui emmène nos deux cultures vers un avenir commun.