Communiqué du PEN Club français
En 2012, lors du Congrès annuel du PEN Club international en Slovénie à Bled, les écrivains hongrois nous alertaient au sujet de la chasse aux sorcières idéologique qui ne faisait alors que commencer en jetant notamment le discrédit sur les anciens opposants à la mainmise communiste en Hongrie, au motif que ceux qui s’y étaient opposés s’y étaient intéressés et donc étaient dans un état d’esprit antinational… De tels retournements ont été amplement argumentés depuis, au point que l’on peut considérer aujourd’hui que le régime de Viktor Orban, à la différence de son homonyme roumain qui a l’humour de se baptiser « Orban le bon » en vertu de ses pratiques autrement démocratiques, a quitté le groupe des droites libérales au Parlement européen. En Hongrie on ne compte plus les atteintes à l’état de Droit qu’est censée exiger la constitution européenne, et les exactions à l’encontre de la culture, de la recherche, de la libre information sont quotidiennes.
Dernier cas en date, hélas emblématique de l’inacceptable : la romancière Krisztina Tóth est la cible de violentes attaques et d’une ostracisation sur la scène publique. Son tort ? Avoir accordé un entretien à un magazine littéraire, qui l’a sollicitée en raison de son œuvre importante (une trentaine d’ouvrages, traduits en seize langues), saluée par de nombreux prix littéraires. Seulement voilà, parmi les onze questions posées, l’une portait sur les programmes scolaires, dont on sait que le pouvoir en place fait un instrument de réécriture de l’Histoire et de « moralisation » idéologique. On demande à la romancière quel livre elle ôterait de ces programmes et lequel elle ajouterait. Elle écarterait l’Homme d’or, roman du célèbre écrivain Mór Jókai (1825-1904), qui n’est pas de ceux qui ont constaté que les femmes sont les égales des hommes. Tollé général, polémiques dans les médias relayant le pouvoir, attaques démultipliées sur les réseaux sociaux, au motif de « censure féministe » et d’outrage au patrimoine littéraire national. Et, mauvaise foi toujours, on retourne le motif de la « cancel culture » contre Krisztina Tóth qui, avec sa petite fille adoptive rom, est menacée et traquée dans sa vie quotidienne.
Krisztina Tóth, pour avoir à l’occasion exercé sa liberté argumentative à l’endroit du gouvernement Orbán, a ensuite subi des critiques publiques, subi des pressions et une censure qui s’est traduite par des invitations raréfiées, rencontres annulées, perte de sa charge de cours à l’université.
On ne reconnaît là que trop la stratégie du conservatisme « illibéral » du parti de Viktor Orban qui agit de toutes parts contre l’expression culturelle, la liberté morale bien comprise et l’ouverture idéologique. Les Lettres, les Universités, théâtres, journaux, les sciences, rien n’y échappe, mais la résistance perdure en Hongrie ; cela ne sera jamais assez su et doit continuer à être solidairement soutenu.
Le PEN Club français,
Comité des écrivains en danger