Table ronde animée par Jean-Michel Besnier et Fabienne Leloup, avec :
Dominique Paquet, philosophe, écrivain, Sébastien Claeys, professeur associé à Sorbonne Université et Cyril Rimbaud, fondateur de la start-up Curiouser,
Ce que le numérique fait au langage :
Sous ce titre, nous entendons prendre la mesure de l’impact des outils numériques sur les façons de s’exprimer et de communiquer, voire sur les conditions de la pensée. Les technologies ne nous laissent pas indemnes et elles ne nous offrent plus guère le choix : Internet contraint notre langage à rendre obsolètes et donc incompréhensibles certaines tournures syntaxiques, à réduire notre lexique, à recourir à des anglicismes ou à des abréviations simplificatrices… Du point de vue des pratiques, on doit constater la disparition du genre épistolaire qui était fondateur dans la tradition humaniste, au profit d’une frénésie communicationnelle étrangère au sens de la nuance et aux subtilités linguistiques. La fonction informationnelle et conative du langage efface les fonctions phatique et poétique, pour remplir un impératif d’efficacité qui ne craint pas une certaine brutalité.
Il est nécessaire de témoigner des modifications induites par le numérique sur notre langage, moins pour livrer un jugement de valeur (« c’était mieux avant », « on massacre la langue », « on ne se comprend plus »…) que pour affronter des évolutions qui paraissent inévitables et prévenir peut-être le triomphe d’une pensée unilatérale qui serait le résultat d’un langage rigidifié. Toute langue évolue, par suite des usages et des situations. Le linguiste pourra rappeler ce que nous savons des facteurs de transformations des langages. La puissance prise par les mécanismes de conversion et de codification numériques méritera d’être examinée pour elle-même : comment l’évolution se manifeste-t-elle avec les machines à communiquer qui ne sont ni intentionnelles ni situationnelles ? Que les régimes de conversation adoptées par des populations influent sur les ressources linguistiques, on peut le comprendre et même s’en réjouir. La poésie et la littérature tiennent en effet leur pouvoir attractif d’être capables de produire cette influence qui est une richesse. Mais que ce soient les contraintes de machines (l’ergonomie d’un clavier, l’espace de mémoires, les limitations de formats, la productivité de logiciels…) qui dictent les transformations, ce n’est peut-être pas la même chose. Entre le dialogue que permet la circulation des signes et le traitement de signaux qu’opère un ordinateur, il y a sans doute une différence qui mérite d’être examinée.
La table ronde voudrait croiser plusieurs trajectoires : par exemple, celle de l’écrivain qui éprouve l’impact des technologies numériques sur sa façon de travailler et de construire son œuvre, celle du linguiste qui observe le développement de stratégies d’expression issu de l’intelligence artificielle ou même de la performance d’agents conversationnels, celle du philosophe attentif au destin de la fonction symbolique dans le contexte d’une instrumentalisation de la langue.
La rencontre a lieu au Local du Pen club français – Maison de poésie – Hôtel Blémont. 11 bis rue Ballu Paris 9e – entrée par la porte située au fond de la cour, à droite (interphone).
Si la grille extérieure est fermée tapez le code 3211.
ENREGISTREMENT (Extrait) de la rencontre :