A l’occasion de la Journée mondiale du PEN Club pour la Défense des écrivains persécutés et de leur libre expression, rencontre présentée par Antoine Spire, Président du PEN Club France, et Jean-Philippe Domecq pour le Comité de défense des auteurs persécutés.
Invités : Dilnur Reyhan, présidente de l’Institut ouïghour d’Europe, Merdan Ehet’eli, poète, Cécile Oumhani, écrivaine, Salah Al Hamdani, poète, et Jean Radvanyi, essayiste, professeur émérite de la géographie de la Russie à l’INALCO.
Le 15 novembre de 18 à 20 h au 11 bis rue Ballu 75009 Paris (entrée dans la cour par la porte de droite – dernier étage)
Poème de Merdan Ehet’Eli :
L’État
L’État qui est inscrit à l’ordre de la nuit
L’État qui tient les yeux braqués sur lui
L’État qui porte les fruits de la discorde de ses représentant.e.s.
L’État difficile car plus léger que l’expression la plus commune et plus évident que la conception la plus claire
L’État qui se trouve dans l’abime sans fond de la chute
L’État logé dans une structure totalement vide
L’État du lys couronné dans le jardin du parfum
L’État ruche résolue pour abeilles perdues
L’État diamant coupeur du bol de Kalâm
L’État, bien estimable préservé sous trois couches dans la fraîcheur au cœur du réceptacle de la grenade
L’État qui n’a besoin ni de consultation, ni de preuve, ni de compromis.
L’État qui surpasse l’inclinaison, le contentement et la soumission.
L’État, bannière du grief déployée au vent du mausolée.
L’État, compagnon chuchotant dans un dialecte suspect.
L’État, terreur qui règne soudain.
L’État situé à la fois avant le sujet et après le verbe.
L’État plaine, composé de fossés avides et de pics abrupts, grand ouvert à la sortie de route.
L’État cœur-langue, nom-verbe, idée-action, intention-pratique.
L’État de l’appellation féminine et de l’agir masculin.
L’État, cœur de la salle de jeu de mes pensées.
L’État-célébration de l’insurrection des têtes brûlées.
L’État assoiffé de sang, d’âme et de foi.
L’État de la blessure-soin, de la balle-remède, du malheur-bonheur.
L’État qui montre, qui rend prospère, qui brûle et qui renverse.
L’État-roue qui m’envoie sans arrêt à la poursuite de la cible inatteignable qui se trouve là où je me tiens.
L’État, mélodie planante à laquelle s’accorde le ciel couleur de vin.
L’État-religion qui ne se diffuse pas, ne fait pas de prosélytisme et ne fait pas croire en lui.
L’État dont le givre ombilical s’installe dans la coupe-gorge.
L’État, et puis nous.
L’État, nous fûmes !
L’État de la liberté sans entraves et de l’occupation totale, de la conception claire et du sentiment trouble, du masque et du dévêtir, du tremblement et du courage, de la passion, de l’instant, de la position, de la chair.
L’État, d’un moment à l’autre, là, sur le bout de ma langue.
L’État, mon existence, ma richesse, ma grandeur, ma félicité, ma possession, ma propriété, mo monde, mon État.
Traduction de Dilnur Reyhan.
Enregistrements de cette rencontre :