Aujourd’hui, le monde entier marque la Journée mondiale de la poésie, l’occasion de mettre à l’honneur et de promouvoir la poésie ainsi que le pouvoir et la créativité du langage. Chaque année, à l’occasion de cette journée, PEN International attire l’attention sur le cas de poètes qui, dans le monde entier, sont en proie à de grandes difficultés en raison de leur travail, et demande à ses membres et sympathisants d’agir en leur nom.
Quand je pense aux poètes détenus dans le monde entier et punis, je pense à la poésie. La poésie est pratiquement la seule chose qui n’a pas de valeur monétaire. Vous ne pouvez pas vendre un poème. Personne ne veut acheter un poème. Les poèmes ne sont pas en vente au marché aux côtés des pommes et des pêches, ou dans les salles de vente aux enchères aux côtés des sculptures et des tableaux. Je dois avouer que je suis étrangement émerveillée et choquée à l’idée qu’un poème soit si puissant et si dangereux qu’un poète peut être enfermé et condamné à mort pour des rimes et des couplets, pour des métaphores et des symboles.
Quand je constate à quel point les poèmes sont devenus dangereux, je me souviens des mots du poète et romancier britannique Thomas Hardy : « Si Galilée avait dit en vers que le monde bougeait, l’Inquisition l’aurait peut-être laissé tranquille ». À notre époque, si Galilée avait écrit ses découvertes en vers libres avec des coupures de strophe, il regarderait peut-être le ciel — son ciel rond, en forme de télescope — depuis une cellule de prison.
Emprisonnée en Iran en 2008 et libérée dix ans plus tard en 2017, Mahvash Sabet a adressé des poèmes passionnés à Fariba, avec qui elle partageait une cellule au début de son incarcération. Mahvash Sabet a écrit : « Ô ma compagne de cellule ! Que de cruautés nous avons connues ensemble ; que de faveurs aussi et de bénédictions dans notre isolement. […] Ils ont attaché tes ailes aux miennes, plume après plume, et tu as reposé ta tête près de la mienne chaque nuit ».
En Chine, le poète Li Bifeng continue de composer des poèmes en prison, où il se trouve depuis 1998. Une strophe commence ainsi : « Par-dessus le haut mur, nous regardons le soleil et les montagnes au loin. Lors de rêves nocturnes, nous voyons des gens au loin ; à l’aide du filet de désirs, nous récupérons ces souvenirs éparpillés, puis nous laissons les os devenir des os.
Face à ces vers, nous ne sommes pas neutres. Chaque jour, les membres de PEN pensent à ces poètes et à leur souffrance. Nous savons que, pour les poètes qui sont incarcérés, le soleil est froid et qu’il y a des mois entre les mois, des jours entre les jours et des heures entre les heures. Même pendant les mois, les jours et les heures qui ne figurent pas sur le calendrier, nous travaillons pour leur liberté d’expression et leur liberté.
Lorsque j’ai rendu visite à Dareen Tatour, poétesse palestinienne assignée à résidence et en attente de condamnation, elle m’a donné un tissu sur lequel elle avait brodé avec du fil rouge les mots suivants : « La poésie n’est pas un crime ! ».
En 2020, PEN International a défendu des écrivains du monde entier, y compris des poètes qui ont été harcelés, menacés de mort, détenus, emprisonnés et torturés en raison de leur poésie et de leur militantisme. Ce mois-ci encore, deux poètes ont été tués au Myanmar alors qu’ils participaient aux manifestations pour la démocratie. En cette Journée mondiale de la poésie, nous mettons en lumière les cas des poètes Maryja Martysievič (Belarus), Katherine Bisquet (Cuba), Varavara Rao (Inde) et Innocent Bahati (Rwanda).
En rendant hommage à tous les poètes de PEN qui sont en danger, je pense à la façon dont, dans ma fidélité à la connaissance empirique, la poésie est ma foi séculaire et là où je trouve la révélation. La poésie est la recherche de la vérité et du réconfort face à l’invisible. Et chaque poète le sait : bien que les étoiles aient des noms différents dans toutes les langues du monde, elles répandent la même lumière.
Jennifer Clement, Présidente de PEN International