Le samedi 23 janvier 2021 a eu lieu à l’Institut français de Iasi, à l’extrême est de la Roumanie, près de la frontière de la République de Moldavie, une rencontre littéraire détonante ! Une rencontre littéraire féminine, via zoom, réunissant des écrivaines de trois continents : Europe, Afrique et Amérique du Nord.
Le but était de célébrer, comme dans de nombreux pays au monde et avec l’hexagone, la « Nuit de la lecture » sur le thème « Relire le monde », avec localement un ajout : Relire le monde, au féminin.
Relire le monde s’imposait sans conteste en ces temps de pandémie et pouvait se décliner comme rêve d’aventures, désir d’évasion, découverte d’horizons plus ou moins lointains, sans bouger de chez soi. Mais aussi redécouverte de l’intime, réinvention d’un mode quotidien de fonctionnement, création de nouveaux vecteurs de socialisation. Un choix très vaste de « lectures » du monde.
Et bien sûr si chacun de nous relit le monde à sa manière, les écrivains ont ce rôle majeur de le faire découvrir au plus grand nombre à travers leurs écrits, qu’ils aient fonction de militantisme ou non.
Dans ce cadre, il nous est paru important de donner la parole aux femmes, celles qui se sont engagées en littérature pour affirmer au quotidien le rôle des femmes et être ainsi au rendez-vous de l’histoire. Six autrices appartenant au Parlement des Écrivaines francophones ont donc répondu présentes : Tanella Boni, Catherine Cusset, Lise Gauvin, Liliana Lazar, Madeleine Monette et Faouzia Zouari.
Six femmes, critiques littéraires, journalistes ou professeurs conjuguant leurs métiers avec leur engagement dans l’écriture, réunies autour de leur passion pour la langue française. Des poétesses, des romancières, des nouvellistes issues d’horizons géographiques fort différents, mais animées d’une même énergie.
Les rassembler dans une visioconférence virtuelle de deux heures était une gageure et avait d’ailleurs suscité quelques perplexités chez certaines, mais le résultat fut audelà de nos attentes. L’écran disparaissait derrière les mots ; l‘émotion était palpable. Ceux-ci prononcés en français par leurs autrices étaient repris en roumain par la comédienne et metteur en scène roumaine Dumitriana Condurache. Il y avait fine relecture dans une autre langue, relecture accompagnée par la mise en scène. Il y avait écho entre les genres. L’annonce biographique faite de façon concise, mais percutante par la professeur universitaire Simona Modreanu permettait d’avoir, pour le public en ligne, un aperçu du parcours de l’autrice et avait pour but de susciter la curiosité.
Pari tenu. Cette rencontre a semblé presque trop courte. Elle a suscité des désirs de traduction et de publication. Liliana Lazar, Catherine Cusset et Faouzia Zouari avaient déjà un ou plusieurs ouvrages traduits en roumain. Pour les trois autres, une fenêtre de lecture plus large s’est ouverte.
Les livres étaient en vitrine dans la librairie centrale de la ville, Cartea Romaneasca, et les medias locaux se sont intéressés à l’évènement, preuve de la francophonie et francophilie dans cette région d’Europe qui mériterait d’être mieux connue et débarrassée de certains préjugés. Si « Relire le monde » pouvait servir à cela, ce serait plus qu’oeuvre utile. Que le livre et la littérature au féminin nous fassent voir le monde dans toutes ces nuances et sous de meilleurs auspices !
Muriel AUGRY
Directrice de l’Institut français de Roumanie à Iasi, Membre du Pen Club français