Le 15 novembre 2020, le Pen Club français a organisé une rencontre en visio-conférence à l’occasion de la Journée consacrée aux Écrivains emprisonnés en danger.
J’étais entouré du poète et éditeur Francis Combes et de l’écrivain, poète et traducteur marocain, Abdellatif Laâbi.
Ashraf Fayad
Le premier cas évoqué a été celui d’Ashraf Fayad, poète palestinien toujours en prison en Arabie Saoudite. Ashraf Fayad fut arrêté le 1er janvier 2014, accusé d’« apostasie » et d’avoir encouragé l’athéisme auprès des jeunes. En mai de la même année, il a été accusé de relations illicites avec des femmes et condamné à 4 ans de prison et 800 coups de fouet. Un an plus tard, les quatre ans deviennent huit ans de prison. On peut apprécier son œuvre poétique grâce à son recueil Instructions à l’intérieur publié au Temps des cerises par Francis Combes – qui a lu des poèmes de cet ouvrage – et Je vis des moments difficiles traduit par Abdellatif Laâbi, publié aujourd’hui par la Maison de la poésie Rhône-Alpes.
Au nom du Pen club, j’ai accepté de solliciter le Ministère des Affaires Étrangères et la Ville de Paris qui participe des « villes refuges », pour lui trouver droit d’asile et conditions d’intégration en France, au terme de sa peine de prison dans quelques mois.
La Turquie
Ensuite, furent évoqués les cas de deux écrivains turcs : Aslı Erdoğan, autrice d’un premier livre traduit chez Actes sud sous le titre : L’homme coquillage. Chercheuse en physique nucléaire avant de se consacrer à la littérature, elle a publié chez Actes Sud Requiem pour une ville perdue et Le Bâtiment de Pierre. Le 17 août 2016, dans un contexte de purges, elle est arrêtée et emprisonnée à la prison pour femmes de Bakirköy. Elle est poursuivie pour « propagande terroriste », en faveur de la rébellion kurde du PKK parce qu’elle a publié des chroniques dans le journal pro-kurde Özgür Gündem. Ces chroniques ont été rassemblées dans Le silence même n’est plus à toi aux Éditions Actes Sud, en 2017. Le 29 décembre 2016, après plus de quatre mois d’emprisonnement, un tribunal turc ordonne sa libération immédiate sous contrôle judiciaire, en attendant la tenue de son procès. Elle vit aujourd’hui à Francfort et souffre des conséquences de sa détention sur sa santé. Grâce à Cécile Oumhani, le Pen club s’est mobilisé à ses côtés.
Ahmet Altan, figure incontournable du journalisme turc, est accusé d’avoir soutenu la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016 en « passant des messages subliminaux à la télévision ». Il a été condamné à perpétuité avant que sa peine soit ramenée à six ans, puis à dix ans et demi de prison. Remis en liberté sous contrôle judiciaire le 4 novembre 2019, il a de nouveau été arrêté le 12 novembre. Le chef d’inculpation ? Liens présumés avec le prédicateur Fethullah Gülen, devenu l’ennemi n° 1 du gouvernement. Mais, lorsqu’après 12 jours passés dans un cachot, il comparaissait pour la première fois devant un procureur, il était accusé « d’avoir adressé un message subliminal » à ses partisans à la télévision : Incroyable ! Les éditions Actes sud ont publié en 2019 Je ne reverrai plus le monde et le Pen Club aura l’occasion de revenir bientôt sur son sort et de lui manifester notre solidarité.
L’Algérie
Furent aussi évoqués les journalistes algériens jetés en prison pour avoir contribué au vaste mouvement pacifique qui s’est déclenché le 22 février 2019, le Hirak .Le nouveau gouvernement a accentué la répression sur les hirakistes qui se comptent par milliers dans les prisons algériennes. Ces détenus d’opinion sont soutenus par la nouvelle culture politique de la citoyenneté mise en œuvre dans le hirak qui a structuré les résistances et les oppositions. Le numérique est leur territoire d’activité. Les militants de l’opposition ne cultivent aucun doute sur les formes de résilience du système politique qui demeure un système d’allégeance adossé à des cercles concentriques de clientèles soumises et à une économie de rente captée aux trois quarts par l’élite aux commandes. La machine judiciaire, qui ne peut rien refuser à la police politique, maintient en prison des « hirakistes » emblématiques et en arrête de nouveaux sous des prétextes fallacieux. Parmi eux, Khaled Drareni est en prison depuis le 25 mars 2020. Correspondant de TV5monde et de l’ONG Reporters sans frontières, il est le fondateur du site d’information libre Casbah Tribune. Il a fêté ses 40 ans, le 10 mai dernier, derrière les barreaux de la prison de Koléa dans la région de Tipaza. Il y a été transféré après avoir été détenu dans la célèbre prison d’El Harrach. Yacine Mebarki est, lui, un militant du hirak condamné à 10 ans de prison en octobre dernier pour incitation à l’athéisme. Quant à Mohamed Tadjadit, c’est un poète de 26 ans arrêté fin 2019 et condamné à 1 an de prison. Abdellatif Laâbi ajouta le cas d’un historien marocain, Maati Monjib contre qui une dizaine de chefs d’inculpation est relevée sans autre motif que ses désaccords avec le pouvoir. Aujourd’hui, il ne peut plus travailler et sa situation inquiète nombre de démocrates. Evelyne Caduc qui préside une association qui chaque année remet un prix à un poète résistant, présente parmi nos interlocuteurs, expliqua qu’elle enquêterait à propos des poètes que nous avions cités pour éventuellement les faire bénéficier de ses libéralités.
L’Iran.
Hamdam Nadafi, militante qui défend les Baha’is, nous rappela les persécutions dont sont victimes ses coreligionnaires en Iran. David Ferré attira l’attention sur les nombreux cas d’écrivains emprisonnés en Amérique centrale et du sud, et suggéra qu’une cartographie soit établie de tous les cas recensés dans le monde.
Les Ouïghours.
Enfin Malick Diarra rappela la mobilisation du Pen Club autour de Maierdan Ahaitiaili, poète ouïghour, aujourd’hui en Serbie, et souhaitant bénéficier de la procédure du droit d’asile en France
Ce fut un bien beau moment de solidarité en actes !